lundi 28 novembre 2016

La vie passionnée de Kirk Douglas
















En dix films, la Cinémathèque de Toulouse célèbre le centième anniversaire de l’acteur américain.

Né de parents russes, le 9 décembre 1916 dans l’état de New York, Kirk Douglas se forme à l'American Academy of Dramatic Art. Il débarque à Hollywood à la fin de la Seconde Guerre mondiale et obtient en 1949 son premier rôle important dans "le Champion", de Mark Robson - rôle de boxeur forcené et arriviste qui marquera la suite de sa carrière. Sa popularité n’a de cesse de croître avec des films d'aventure comme "la Captive aux yeux clairs" de Howard Hawks, en 1951, ou "l'Homme qui n'a pas d'étoile" de King Vidor, en 1954. 

Acteur engagé, il affronte les sujets difficiles et fonde en 1955 sa société de production, donnant alors sa chance à Stanley Kubrick avec "les Sentiers de la gloire" (1957). Il tourne de nouveau avec Kubrick, endossant le rôle-titre de "Spartacus" en 1959, mais aussi avec Vincente Minnelli ("Les Ensorcelés", 1952 ; "La Vie passionnée de Vincent Van Gogh", 1955), John Sturges ("Règlement de comptes à O.K. Corral", 1956), Elia Kazan ("L'Arrangement", 1969), Joseph L. Mankiewicz ("Le Reptile", 1970), Brian de Palma ("Furie"), etc. 

À l’occasion du centième anniversaire de l’acteur, la Cinémathèque de Toulouse projette dix films puisés dans sa filmographie, présentant autant de facettes d’une des dernières légendes vivantes de l’âge d’or des studios. Au programme : de l’aventure ("Les Vikings"), du western ("La Captive aux yeux clairs", "El Perdido", "La Rivière de nos amours"), du polar ("Histoire de détective"), de la comédie dramatique ("Les Ensorcelés", "Chaînes conjugales") et du drame ("La Femme aux chimères", "La Vie passionnée de Vincent van Gogh", "Seuls sont les indomptés").


Jérôme Gac
"Les Ensorcelés" © collections La Cinémathèque de Toulouse


En septembre dernier, Kirk Douglas a pris position contre Donald Trump dans une tribune publiée par le Huffington Post :
 

Le chemin devant nous

 «Je suis dans ma centième année. Quand je suis né en 1916 à Amsterdam, New York, Woodrow Wilson était notre président. Mes parents, qui ne savaient ni parler ni écrire l’anglais, étaient des émigrés de Russie. Ils faisaient partie d’une vague de plus de deux millions de juifs qui ont fui les pogroms meurtriers du tsar au début du XXe siècle. Ils étaient à la recherche d’une meilleure vie pour leur famille dans un pays magique où, croyaient-ils, les rues étaient littéralement pavées d’or.

Ce qu’ils n’avaient pas réalisé avant d’arriver étaient que ces belles paroles gravées sur la Statue de la Liberté dans le Port de New York
Give me your tired, your poor, your huddled masses, yearning to breathe free ne s’appliquaient pas de la même manière à tous les Américains. Les Russes, les Polonais, les Italiens, les Irlandais, et particulièrement les catholiques et les juifs, ont été traités comme des extra-terrestres, des étrangers qui ne deviendraient jamais de vrais Américains.

On dit qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Depuis que je suis né, notre planète a voyagé autour de lui une centaine de fois. Avec chaque orbite, j’ai regardé notre pays et notre monde évoluer de manières qui auraient été inimaginables pour mes parents, et qui continuent de m’épater année après année. Au cours de ma vie, les femmes américaines ont obtenu le droit de vote, et une d’entre elles est finalement candidate d’un parti politique majeur. Un Irlandais-américain catholique est devenu président. Peut-être encore plus incroyable, un Afro-américain est notre président aujourd’hui.


Plus j’ai vécu, moins j’ai été surpris par l’aspect inévitable du changement et je me suis réjoui qu’un tel nombre des changements que j’ai vus aient été positifs. Mais j’ai aussi traversé les horreurs d’une Grande Dépression et deux guerres mondiales ; la seconde ayant été provoquée par un homme qui promettait de rendre à son pays sa grandeur d’antan. J’avais 16 ans quand cet homme est arrivé au pouvoir en 1933. Pendant près d’une décennie avant son ascension, il était raillé, on ne le prenait pas au sérieux. Il était vu comme un bouffon qui ne pouvait pas réussir à duper un peuple éduqué et civilisé avec sa rhétorique nationaliste et haineuse. Les
experts ne le prenaient pas en considération, comme s'il était une blague. Ils avaient tort.

Il y a quelques semaines, nous avons entendu les mots prononcés en Arizona ; des mots que ma femme, Anne, qui a grandi en Allemagne, a trouvés glaçants. Ils auraient pu être prononcés en 1933. 


Nous devons aussi être honnêtes sur le fait que toutes les personnes qui cherchent à rejoindre notre pays ne seront pas capables de s’assimiler correctement. Il est de notre droit, en tant que nation souveraine, de choisir les immigrants que nous pensons être les plus à même de prospérer et s’épanouir ici… Ce qui inclut de nouveaux tests de filtrage pour tous les candidats à l’immigration comportant une certification idéologique pour nous assurer que ceux que nous acceptons dans notre pays partagent nos valeurs…

Ce ne sont pas les valeurs pour lesquelles nous avons combattu lors de la Seconde Guerre Mondiale. Jusqu’à ce jour, je croyais avoir tout vu sous le soleil. Mais je n’avais jamais été témoin de cette stratégie de la peur de la part d’un candidat majeur à la Présidentielle américaine de toute ma vie. J’ai vécu une longue et belle vie. Je ne serai pas ici pour en voir les conséquences si ce mal prend racine dans notre pays. Mais vos enfants et les miens seront là. Et leurs enfants. Et les enfants de leurs enfants.


Nous aspirons tous à rester libres. C’est pour cela que nous nous battons en tant que pays. J’ai toujours été profondément fier d’être un Américain. Pour les jours qui me restent à venir, je prie pour que cela ne change jamais. Dans la démocratie qui est la nôtre, la décision de rester libres est entre nos mains.


Mon centième anniversaire tombe pile un mois après la prochaine élection présidentielle. J’aimerais le célébrer en soufflant les bougies de mon gâteau puis en sifflant "Happy Days Are Here Again". Comme ma regrettée amie Lauren Bacall a dit un jour :
Tu sais siffler, n’est-ce pas ? Tout ce qu'il faut, c'est joindre les lèvres et souffler

Du 30 novembre au 18 décembre, à la Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.


dimanche 6 novembre 2016

La France du XXe siècle
















Entamé au printemps, un cycle dédié au cinéma policier français se poursuit cet automne à la Cinémathèque de Toulouse qui invite le cinéaste Nicolas Boukhrief.

Le cinéma français étant le domaine privilégié des auteurs, les genres y ont peu prospéré. Seul le cinéma policier a très vite trouvé en France un territoire où se déployer, circulant à la fois du côté du cinéma populaire comme du côté des auteurs. La Cinémathèque de Toulouse poursuit cet automne un cycle dédié à ce genre, cycle entamé au printemps et reprenant à partir des années cinquante qui furent le cadre d’une véritable renaissance du genre. C’est l’apparition de la collection Série Noire, créée chez Gallimard par Marcel Duhamel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui provoque ce renouveau sur grand écran, terreau de l’éclosion d’un âge d’or du polar à la française au cours des années 1960 et 1970.


Dans son ouvrage de référence "le Cinéma policier français"(1), François Guérif écrit: «Le film policier tient aussi du film d’aventures et se passe dans tous les milieux sociaux. Il recouvre des catégories différentes : énigme, thriller, film noir, psychologie criminelle, étude de mœurs, etc. Le film policier a deux types essentiels de personnages : celui qui commet le délit et celui qui cherche à découvrir comment a été commis le délit et/ou à mettre hors d‘état de nuire le responsable du délit ; autrement dit, le flic et le truand, le juge et l’assassin, le chasseur et le chassé. Dans ce dernier cas, et dans la catégorie suspense, cela peut être l’assassin et sa victime. En tout état de cause, le personnage est un véhicule qui permet de pénétrer partout et de dévoiler les vérités cachées que recèle le monde. Par ailleurs, comme tout film, le film policier reflète la société de l‘époque à laquelle il a été tourné. Mais, en dévoilant ce qui se passe “derrière” la façade, en évoquant les interdits, en constatant l‘évolution des lois, de la criminalité et de sa répression, il la reflète sans doute plus fidèlement qu’aucun autre genre», constate François Guérif.


Selon Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse, «le polar est à la fois populaire auprès des spectateurs et laboratoire pour les cinéastes. La Nouvelle Vague, qui vient bousculer le cinéma, n’y coupe pas. Truffaut tire sur l’ambulance en y mêlant éléments comiques et mélodramatiques (Tirez sur le pianiste). Godard, qui n’est jamais à bout de souffle, plonge Lemmy Constantine dans une aventure digne d’un collage surréaliste (Alphaville). Chabrol, l’œil malin, en fait un pied-de-biche pour disséquer la société (Le Boucher). Le polar n’est pas que divertissement, il est aussi dynamite. Les années 1970, 1980 – "Armaguedon", "Le Choix des armes", "Mort d’un pourri", "Extérieur, nuit", "Police" (photo), "L.627" – le voient sortir de sa mythologie… pour en créer une nouvelle. Et c’est peut-être là l’essence du cinéma policier. Il peut parler de la société contemporaine, de sa production, en montrer les recoins les plus sombres, en dénoncer les institutions et se faire radiographie des hommes et des femmes qui la composent ; au final, il est surtout – il est avant tout – cinéma. Tour à tour iconographique et iconoclaste. Avec ses codes, que l’on respecte ou que l’on détourne, il est pour le cinéma un laboratoire où se fabriquent des images. Une imagerie. Une imageraie. Et quoiqu’on en pense, ce n’est pas par fascination pour les truands ou la maréchaussée que l’on aime le cinéma policier, mais pour le cinéma. On y trouvera un éventail de mises en scène (du cinéma de papa au cinéma de francs-tireurs, de la stylisation quasi abstraite de Melville au souci de vérité intransigeant de Pialat) réunies autour d’un dénominateur commun. Un genre.»


Le cinéaste Nicolas Boukhrief sera à cette occasion l’invité de la Cinémathèque de Toulouse, parce que ses «films ("Le Convoyeur", "Cortex", "Gardiens de l’ordre", "Made in France") s’inscrivent parfaitement dans une tradition du genre tout en le renouvelant», termine Franck Lubet.


Jérôme Gac

"Police" © collections La Cinémathèque de Toulouse
 

(1) Éd. Veyrier
 

Du 9 novembre au 18 décembre, à la Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.